La loi du 11 février 2005 a introduit de manière explicite la participation sociale dans la législation relative aux personnes handicapées. En définissant le handicap comme « toute limitation d’activité ou restriction de la participation à la vie en société », elle fait de la participation une priorité et un objectif à viser par les structures médico-sociales. Viser la participation implique l’inclusion sociale et la loi le précise : « l’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie ». Ce n’est pas qu’une volonté de législateur, c’est aussi le souhait des parents, notamment en ce qui concerne l’inclusion scolaire. D’après Bernadette Wahl, alors présidente d’honneur de l’UNAPEI , « les parents également exigent pour leur enfant, et dès son plus jeune âge, une réelle intégration scolaire qu’ils estiment être la voie royale de l’insertion sociale de tout enfant, parce que l’école est la première véritable épreuve de socialisation. C’est le lieu où l’on apprend à se connaître, à partager, à vivre ensemble avec un apport intellectuel et biologique différent, où l’on découvre la collectivité, la discipline, les règles de la vie sociale ». (Wahl, 2001) L’Union européenne, quant à elle, va encore plus loin et préconise catégoriquement la désinstitutionnalisation (Comité des ministres, 2010). Quoi qu’il en soit, force est de constater que désormais, une meilleure participation à la vie sociale, à l’école et aux activités de loisirs doit être le vecteur des pratiques professionnelles concernant les personnes en situation de handicap (Mazereau, 2020). Toutefois, la loi ne définit pas la notion de participation. Alors, qu’il s’agisse d’une injonction ou d’un objectif qui vaille d’être visé, qu’entend-on par la participation sociale ?
Après un bref historique de la participation, nous allons élaborer notre réponse en partant de la manière dont elle est définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH). Ces approches seront analysées à l’aune de l’inclusion sociale afin d’examiner leur pertinence et leur opérationnalité. Nous allons ensuite étudier une autre approche pour proposer une définition différente de la participation.
The notion of participation appeared relatively recently in official texts of the social and medico-social sector in France. It appears, however, in various agreements on the international scene since 1993.
It is considered that the principle of autonomy, full integration and participation represent the essential elements for human dignity and the enjoyment of exercise. human rights. It is therefore incumbent on States to take measures to remove the obstacles that prevent full participation. (The Rules for the Equalization of Opportunities for the Disabled, 1993; the Salamanca Declaration, 1994; the European Social Charter, 1996).
During the development of the International Classification of Impairments, Disabilities and Handicaps (CIDIH), Philip Wood, British epidemiologist and rheumatologist, proposed a model that took us from the medical model to the social model of disability. In the medical model the handicap is in the person, in the social model it is in the relationship between the person and his environment. To put it simply, if a person in a wheelchair cannot get to a post office for lack of a ramp or elevator, the problem is not in their legs, but in the « relationship » between their disability and a building. inaccessible.
Wood’s model distinguishes between impairment, disability and (social) disadvantage.
– the deficiencies are physical, physiological or psychological insufficiencies.
– les incapacités sont engendrées par les déficiences. Elles réduisent la capacité de la personne, ou l’empêchent d’accomplir des activités de manière « normale ».
– le désavantage social que subit la personne correspond à cette limitation ou l’interdiction d’accomplir des activités qui seraient considérées « normales » pour une personne ayant son profil (âge, sexe, facteurs sociaux et culturels, etc.).
Cette restriction de la participation est ce qui constitue le handicap. La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) définit le handicap comme « terme générique pour désigner les déficiences, les limitations d’activité et les restrictions de participation ». On considère que l’interaction entre des personnes présentant des incapacités, d’une part, et des barrières comportementales et environnementales, d’autre part, fait obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.
La situation de la France
La notion de la participation est présente en France depuis longtemps dans les champs politiques et de l’entreprise. Dans le champ du travail social et éducatif il s’est agi davantage de partage que de participation. Les relations interpersonnelles ont favorisé la création des liens sociaux, mais il n’y a pas eu d’implication dans la gestion du collectif. (Gautrat, 2001 ; Jaeger, 2001).
La loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées jette les bases de la notion de participation. L’intégration sociale devient une obligation nationale et l’action poursuivie doit assurer l’accès de la personne handicapée aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population ainsi que son maintien dans ce cadre ordinaire de travail et de vie. Quant à l’éducation, l’élève doit être accueilli dans les classes ordinaires de préférence. Pour faciliter cette intégration, les locaux d’habitation et des installations ouvertes au public devraient être accessibles, tout comme les transports en commun.
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale place l’usager au centre du dispositif et prévoit sa participation aux actions qui le concernent directement ainsi qu’à celles qui concernent l’établissement qui l’accueille. Elle prévoit sa participation directe ou avec l’aide de son représentant légal à l’élaboration et à la mise en œuvre de son projet d’accueil et d’accompagnement et de son contrat de séjour. Par ailleurs, la personne accueillie est associée au fonctionnement de l’établissement ou du service par l’intermédiaire du Conseil de la vie sociale.
La participation prend toute son importance avec la loi du 11 février 2005 pour l’Égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. A l’instar de la CIF, le handicap y est défini comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne ». La loi identifie une série de mesures à prendre pour permettre à la personne handicapée de participer à la vie politique et culturelle et d’accéder aux juridictions administratives et aux services publics, etc.
La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) élaborée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit une activité comme « l’exécution d’une tâche ou le fait pour une personne de faire quelque chose ». Engager une conversation, utiliser les transports en commun ou faire des courses en sont quelques exemples. La participation, quant à elle, signifie le « fait de prendre part à une situation de la vie réelle ». Autrement dit, la participation consiste en la réalisation d’une activité dans une situation de vie réelle.
Le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH) du Réseau international sur le Processus de production du handicap (RIPPH) relie la participation à une habitude de vie . Les habitudes de vie assurent la survie et l’épanouissement d’une personne dans la société et peuvent consister en des activités courantes (tenir une conversation, utiliser le transport en commun ou faire des achats…) ou des rôles sociaux (aller à l’école, avoir des relations sociales, participer à des loisirs…). Le rôle social correspond aux comportements attendus par la société en fonction de son statut (profession, situation sociale, …). Une situation de participation sociale, dans le cadre de ce modèle, correspond à la pleine réalisation des habitudes de vie.
La CIF fournit une liste d’activités qui recouvre les différentes dimensions de la vie d’une personne. Le MDH-PPH en fait autant pour les habitudes de vie. Ces listes pourraient servir à identifier et à évaluer les capacités d’un individu, mais ne sont pas opérantes. En effet, confronté aux listes de la CIF ou du MDPH PPH, comment choisit-on des activités à développer chez une personne ? Est-ce que l’on les vise toutes et dans tous les domaines ? Si oui, dans quel ordre ? Sinon, comment en choisir ou en éliminer et pourquoi les unes plutôt que les autres ? Cette difficulté provient du fait qu’activités et habitudes de vie représentent des moyens et non des fins. En effet, en dehors de l’apprentissage, éventuellement, nous réalisons des activités pour accomplir quelque chose et non comme des fins en soi. Prenons, par exemple, l’activité « engager une conversation » ou l’habitude de vie « tenir une conversation ». Nous n’engageons pas une conversation juste pour engager une conversation et ceci avec n’importe qui. Nous engageons une conversation pour rentrer en relation avec quelqu’un en particulier ; cette conversation se déroule dans le cadre d’une interaction sociale ; et cette interaction met en jeu une ou plusieurs de nos identités sociales. Partir de la CIF ou du MDH-PPH pose donc un problème de cohérence d’ensemble. Qu’est-ce qui relie les différentes activités sélectionnées ou à sélectionner ? Ce qui y manque sont des fins réelles, les objectifs sociaux visés. Ce sont eux qui fournissent les critères pour identifier les activités à développer et qui donnent de la cohérence à la démarche.